Interview de Jérôme Sainte-Marie, réalisée par Emmanuel Galiero, publiée par Le Figaro le 3 avril 2018


LE FIGARO – Comment analysez-vous le débat soulevé chez Les Républicains par les positions de Thierry Mariani ?

Jérôme SAINTE-MARIE – L’existence de ce débat est tout à fait logique parce qu’il se situe entre deux événements électoraux majeurs. Le premier est l’absence de la droite classique au second tour de la présidentielle, pour la première fois sous la Ve République. Le second événement, qui est à venir, sera les municipales. La question des accords éventuels de second tour avec le FN se posera avec une acuité particulière. Avec une droite concurrencée par La République en Marche, il est possible que la tentation de proposer des fusions de listes apparaisse.

Le FN joue la carte des alliances mais chez LR on juge le parti frontiste trop fragilisé pour être un danger. Quel est votre avis ?

Comment l’ont montré les sondages, les électeurs du FN sont toujours beaucoup plus demandeurs d’une alliance avec la droite que ne le sont les électeurs de droite. Cependant, la question se posera forcément, essentiellement pour les maires LR sortants. Après avoir triomphé aux dernières municipales, la droite se trouvera en position fragile dans de multiples communes. La tentation sera donc très forte, voire irrésistible. Quant aux européennes elles ont rarement un rôle fondateur mais elles peuvent avoir un rôle destructeur. Si La République en Marche réussit à devenir le grand parti européen en 2019, la position de la direction de LR sera fragilisée. Certains réclameront une stratégie alternative, tournée vers le FN.

Les convergences thématiques entre LR et le FN représentent-elles un risque pour Laurent Wauquiez ?

Traditionnellement la droite reposait sur deux piliers : le libéralisme économique et des positions conservatrices sur le régalien. Désormais, la position libérale et pro-européenne est entièrement accaparée par le macronisme. Laurent Wauquiez est donc concurrencé par deux formations politiques, le FN ayant préempté les sujets d’immigration et de sécurité. Il essaye de constituer une synthèse en se disant très fort sur le sécuritaire sans pour autant renoncer à l’Europe. Mais le parti LR est écartelé.

Les Républicains se croient suffisamment forts pour rassembler…

C’est un pari. Mais cela oblige la droite à affirmer ses positions sur les thèmes régaliens avec une force inédite. Mais cela a déjà été fait en 2007 avec Nicolas Sarkozy et sa ligne « Buisson ». Une fois au pouvoir, pour beaucoup d’électeurs FN le compte n’y était pas. Reste que la ligne visant à sortir du macronisme par la voie identitaire est la plus prometteuse. D’autant plus que les réformes libérales de Macron devront bien s’épuiser un jour et une bonne partie des électeurs de droite, qui le regardent avec bienveillance pour cette action réformatrice, pourraient attendre autre chose, et retourner vers leur famille politique d’origine.

LR peut-il faire baisser le FN comme en 2007 ?

A l’époque, le FN était clairement devancé par la droite dans toutes les élections. Mais cette logique s’est complètement retournée depuis le premier tour de la présidentielle. Même affaiblie, Marine Le Pen a été nettement devant François Fillon. Si le FN connaît une crise de langueur, il n’est pas à ce jour menacé par des divisions. La droite est plus menacée puisque certains de ses leaders l’ont déjà abandonnée et parce que dans de nombreux endroits des maires chercheront une investiture LREM.

Thierry Mariani ne croit pas au retour des centristes partis chez Emmanuel Macron. Qu’en pensez-vous ?

C’est un raisonnement très statique. Aujourd’hui, il existe une masse énorme d’électeurs à la droite d’En Marche ! Ils étaient 46% au soir du 1er tour à la présidentielle. A l’évidence, la grande force politique qui pourrait battre un jour le macronisme, est ici. La question posée entre LR et le FN est de savoir comment manœuvrer pour en prendre le leadership. Certains pensent à des solutions intermédiaires mais il y a une faiblesse dans le raisonnement de Mariani. Est-il intelligent pour la droite de voler au secours d’une formation politique en grande difficulté comme le Front national ?

Le calcul des Patriotes de Philippot visant à rassembler sur le Frexit peut-il être payant ?

Cette position est légitime mais elle est minoritaire. Les souverainistes de gauche et de droite n’ont jamais réussi à s’allier.

Comment les macronistes observent-ils ce débat à droite ?

A court terme, ils y voient surtout des avantages car ces débats effrayent les électeurs centristes et modérés. Mais je ne suis pas sûr que les macronistes aient raison de se réjouir. Car l’alternative au macronisme peut surgir autour de cette question liée au rassemblement des droites.