Tribune de Jérôme Sainte-Marie – Publiée le 24 juillet 2017 par le Figaro Vox


Emmanuel Macron demeure populaire, en ce sens qu’il conserve dans l’opinion telle qu’elle est mesurée par les sondages, et malgré un net recul ces dernières semaines, un taux majoritaire de bonnes opinions. Les scores publiés ces temps-ci sont en fait excellents, si l’on veut bien se souvenir des récents scrutins. Malgré les apparences, Emmanuel Macron a débuté le quinquennat avec un lourd handicap, qu’il s’attache notamment à rattraper par une communication très fortement personnalisée, même pour un Président de la Vème République.

« Le 7 mai dernier, les Français m’ont confié un mandat clair » : lorsqu’il prononce ces mots à la tribune du Congrès, à Versailles, Emmanuel Macron ne peut ignorer qu’il force la signification des termes. Il ne s’agit pas de s’interroger sur son incontestable légitimité comme Président de la République, d’autant que si les institutions électorales de la Vème République réduisent à peu de choses l’opposition parlementaire, tous les candidats aux scrutins de 2017 en avaient de facto accepté les règles.  Cependant si cette notion de « mandat » était au cœur de l’allocution présidentielle du 3 juillet dernier, avec 15 mentions dans le discours, dont huit fois en association avec « peuple » ou « populaire », c’est bien qu’il y a une difficulté à résoudre. Celle consiste en l’assimilation du choix d’un candidat, ayant donc reçu un mandat de cinq ans pour diriger le pays, à une sorte de mandat impératif que lui aurait remis les Français pour appliquer un ambitieux programme de réformes. Autant la première idée est évidente, autant la seconde est très contestable. C’est dans ce hiatus que pourrait s’installer une incompréhension durable entre le pouvoir et l’opinion.

Le problème existe toujours plus ou moins après une élection présidentielle, mais il a été cette fois aggravé par les conditions du second tour. Le 23 avril, en effet, Emmanuel Macron arrive en tête, avec 24% des suffrages et alors chacun sait qu’il sera le prochain président de la République. Ensuite, une majorité des électeurs qui le choisiront le feront d’abord pour « faire barrage à Marine Le Pen » (52% selon l’institut BVA), et 18% seulement par adhésion à son programme. Dès le premier tour, d’ailleurs, alors que 50% des électeurs déclaraient choisir leur candidat en fonction de « ses propositions politiques », ce n’était le cas que de 32% de ceux votant pour Emmanuel Macron. Sans rien concéder aux candidats battus, et sans à avoir à convaincre davantage d’élections sur le fond de son programment, la force du rejet à l’égard du Front national permet donc au candidat d’En Marche ! une victoire écrasante.

Peut-on cependant considérer que les élections législatives ont permis de trancher la question ? Emmanuel Macron faisait mine le croire à Versailles en affirmer que « le 18 juin les Français ont amplifier la force (du mandat qu’il avait reçu) en élisant à l’Assemblée nationale une large majorité ». Cette assertion est pourtant infirmée par l’énormité historique du taux d’abstention au premier et au second tour, et par le fait que les candidats de la République En Marche ont rassemblé le 11 juin environ un million et demi de suffrages de moins que ne l’avait fait Emmanuel Macron le 23 avril.

A partir de là, que 54% des Français expriment une bonne opinion sur lui en tant que président de la République constitue un résultat considérable. Triomphant au sommet des institutions politiques, Emmanuel Macron doit en effet construire sa majorité à la base après les scrutins l’ayant doté d’un immense pouvoir. Compte tenu de la nature de son projet pour la société française, ainsi que de l’état des finances publiques, la partie est difficile. Non seulement il lui est difficile d’annoncer des gains immédiats à des catégories populaires déjà réticentes, mais en plus la cohésion du «bloc élitaire » qui l’a porté est fragile, comme le montre sa brusque perte de popularité parmi les retraités, dont certains relativement aisés.

Pour accomplir la tache historique qu’il s’est donnée, en substance une refonte libérale profonde et durable de la société française, Emmanuel Macron gagnerait à disposer d’un socle d’opinion élargi. A cette fin, il y a bien sûr l’effort de conviction déployé par lui-même, son Premier ministre, et le mouvement La République En Marche. Cependant, dans l’attente des premiers résultats positifs de sa politique, Emmanuel Macron joue la personnalisation à outrance, et donc une adhésion fondée sur l’émotion. Ainsi, au-delà de l’indispensable incarnation de la fonction présidentielle, l’individu est sans cesse mis en scène. Cette stratégie a donné des résultats nets dans les sondages, jusqu’à ces dernières semaines. Elle constitue également pour lui, vis-à-vis de l’opinion publique, l’option la plus exposée.