«La vie politique de la France presque figée par l’inquiétude sanitaire et économique»

Tribune Figaro Vox du 20/09/20


TRIBUNE – Le pays paraît retenir son souffle. Et cette rentrée politique et sociale s’écarte de tous les précédents en temps de paix, explique l’analyste politique, Jérôme Sainte-Marie, fondateur de Polling Vox.
 
 
Plusieurs mois après le confinement, la France demeure en état de sidération. L’activité a repris tant bien que mal, mais le traumatisme n’est pas effacé. Il est même entretenu par les développements officiels sur l’imminence d’une « deuxième vague », voire par des allusions à un éventuel reconfinement. Cette situation aberrante au sens strict (c’est-à-dire qui rompt avec l’état normal des choses), quelle que soit par ailleurs la réalité du péril sanitaire, pèse sur la rentrée politique et lui donne son actuel caractère d’artificialité.
 
Une récente étude de l’institut IPSOS montre l’ampleur du phénomène dans l’opinion. De très loin, l’évolution de la pandémie constitue la principale préoccupation des Français, devant les thèmes traditionnels du pouvoir d’achat, du système social ou de l’insécurité. Ce qui les effraie, pour les deux tiers d’entre eux, n’est pas tant le risque sanitaire lui-même que le risque économique et social. S’ils acceptent très majoritairement les contraintes imposées pour lutter contre la diffusion du virus, ce n’est pas seulement parce qu’ils en admettent l’utilité intrinsèque, mais aussi en raison d’une menace supérieure, celle de mesures drastiques pouvant plonger le pays dans une récession durable et bousculer des situations professionnelles souvent fragiles.
Il s’agit d’une configuration sans précédent en temps de paix. De fait, le pouvoir exécutif dispose dans une large mesure de l’existence des citoyens. A tout moment il peut modifier les règles strictes de comportement dans l’espace public, avec ce qu’il faut de nécessité mais aussi d’arbitraire. Au début de la crise sanitaire, le mécontentement était fort, tant se dégageait une impression d’incohérence dans la politique suivie par l’Etat. Ce sentiment a laissé place à un jugement moins sévère, teinté de résignation. Pour Emmanuel Macron et le gouvernement, l’impact de la crise dans l’opinion publique a des effets ambivalents. Certes, elle les expose à de vives critiques et les place devant des décisions dramatiques, mais aussi, comme dans d’autres pays, elle place la puissance publique dans une situation de domination inouïe voire d’infantilisation des gouvernés.
 
Dès lors, la plupart des mécanismes habituels en cette période de l’année sont désamorcés. La rentrée sociale est atone, les « journées d’action » syndicales n’ayant pas plus de succès que les tentatives de ranimer un mouvement des Gilets jaunes moribond. Il y a là une certaine logique : la crainte d’un effondrement économique et d’une explosion du chômage n’incite pas à la contestation. En outre, la mise à l’arrêt du programme de réforme du gouvernement préserve celui-ci d’une mobilisation de rue, sans pour l’heure susciter trop d’impatience chez ses partisans, tant la crise sanitaire modifie les critères de jugement à l’égard du pouvoir. Celui-ci conserve la confiance du « bloc élitaire », constitué autour des cadres supérieurs et d’une fraction importante des retraités, et bénéficie du soutien d’à peu près quatre Français sur dix.
 
La rentrée politique est donc placée sous le signe de multiples paradoxes. Minoritaire dans le pays, incapable de conquérir électoralement la plupart des grandes villes dont la sociologie lui est pourtant favorable, le parti présidentiel conserve une hégémonie qui ne se réduit pas à sa prééminence institutionnelle. La vie politique française se jouant désormais à la majorité relative, le camp macroniste exerce sa domination aussi bien sur la gauche que sur la droite traditionnelle, quoique les forces de « l’ancien monde » aient bien résisté lors des dernières élections municipales. La mue proposée par Emmanuel Macron au monde politique est donc inachevée. Le clivage qu’il a promu, celui opposant les « progressistes » aux « populistes », n’a pas fait disparaître l’ancien mais l’a subordonné. Aujourd’hui, d’après IPSOS, 71% des Français considèrent que « les notions de gauche et de droite sont dépassées », et d’ailleurs, lorsqu’il s’agit de se définir politiquement, seuls 23% d’entre eux choisissent de se dire « de droite » et 21% « de gauche ». Il y plus préoccupant pour les dirigeants de LR : fin août, d’après BVA, 57% de leurs sympathisants exprimaient une bonne opinion à l’égard du président de la République dans l’exercice de ses fonctions, et 80% faisaient de même à l’égard du Premier ministre. Pourtant, de manière presqu’unanime, les sympathisants LR souhaitent disposer de leur propre candidat à l’élection présidentielle.
 
Si la droite donne parfois l’impression d’exagérer ses difficultés, la gauche préfère s’illusionner sur ses chances. L’heure est à la refondation, comme au début des années 1990 à la gauche du PS, voire à la gauche plurielle, comme à la fin de celles-ci, avant que cette année, son centenaire approchant, soit lancée l’idée d’un Congrès de Tours à l’envers. Pourtant, d’après les sondages d’intentions de vote pour la prochaine présidentielle – sans valeur prédictive mais établissant les rapports de force actuels entre les courants politiques -, tout cela se joue dans un périmètre limité à 25% des électeurs. Les contradictions ne s’y limitent pas aux rivalités entre dirigeants et aux détestations entre sympathisants. Non seulement des thèmes aussi fondamentaux que la construction européenne divisent l’ensemble théorique de la gauche et des écologistes, mais en outre il n’y a pas de perspective de victoire évidente, sinon lors d’élections locales. L’accueil dithyrambique réservé au dernier ouvrage de Lionel Jospin, notamment par la France insoumise, a constitué l’ironique aveu de l’impasse actuelle.
 
Dans une vie politique dominée, surtout à partir de la moitié du quinquennat, par le second tour de la présidentielle, et donc de la représentation que l’on s’en fait, l’affrontement entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen demeure structurant. Il ne s’agit pas d’une question de personnes – ni l’un ni l’autre en sont particulièrement populaires -, mais d’une logique politique profonde. Certes, selon une récente enquête IFOP, les deux tiers des Français disent ne pas souhaiter la réédition du duel de 2017 (dont, curieusement, une large majorité des sympathisants de LREM, ce qui relativise le sens de ces réponses), mais leurs intentions de vote de premier tour la rendent très probable. Or il ne s’agit pas d’un casting pour une série télévisée, même politique, mais de l’illustration électorale du clivage principal, ancré dans un affrontement idéologique et sociologique cohérent, ici comme ailleurs en Europe. Le climat étrange répandu par la pandémie du covid 19 produit une artificialisation temporaire de la vie politique et sociale du pays. Il n’en change pas les données fondamentales, plaçant la gauche comme la droite devant l’urgence de trouver une solution dépassant le conflit prévisible entre le « bloc élitaire » et le « bloc populaire ». Rien n’est jamais impossible en politique, mais l’on ne voit guère en quoi les données du problème auraient été modifiées par rapport, disons, à la rentrée de septembre 2019, avant le début de la crise multiforme que nous affrontons.

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« Les maires écologistes sont le reflet de la petite bourgeoisie urbaine »

La Gazette des communes du 17/09/20


Le politologue Jérôme Sainte-Marie décrypte la poussée verte dans les métropoles à l’aune de sa théorie des blocs « élitaire » et « populaire ». Piquant

Lors de l’édition 2001 des municipales, le Parti Socialiste ravissait à la droite les bastions de « l’upper-class » Paris et Lyon, mais il perdait une série de petites villes ouvrières comme Woippy, Villers-Côtterets ou Roanne. Le coup d’envoi, pour le géographe Christophe Guillluy, du 21 avril 2002 et d’un rétrécissement sociologique à l’origine de la chute du PS.

Le politologue Jérôme Sainte-Marie préfère faire remonter cette fracture au référendum sur la Constitution européenne de 2005. Le théâtre, à ses yeux, d’une opposition entre le « bloc élitaire » et le « bloc populaire  ». Un face à face au cœur de son dernier essai (Bloc contre bloc, lauréat du Prix du livre politique 2020 de l’Assemblée nationale, publié aux Editions du Cerf et bientôt disponible en poche).

D’un côté, les classes urbaines « éduquées », largement acquises à la mondialisation. De l’autre, la France des sous-préfectures et de la désindustrialisation, nettement moins diplômée et résolument hostile au dépassement de la Nation. Au clivage politique traditionnel gauche-droite, s’est substitué, selon Jérôme Sainte-Marie, un vote de classe. Explications, à l’aune de la percée écologiste dans les grands centres urbains.

 

Comment se traduit, sur le plan territorial, le clivage entre ce que vous appelez le « bloc élitaire », incarné par Emmanuel Macron, et le « bloc populaire », représenté par Marine Le Pen ?

Moins une commune est peuplée, plus elle vote, aux élections nationales, en faveur du Rassemblement National. La décrue est ensuite assez lente. Elle s’accélère brutalement, d’abord autour de 100 000 habitants, puis à Paris. Les chiffres, présentés par Jérôme Fourquet au lendemain des européennes de 2019, sont tout à fait éloquents. Le vote en faveur de la liste RN menée par Jordan Bardella culmine à 28 % dans les communes de moins de 3 500 habitants. Il descend à 14 % dans les communes de plus de 100 000 habitants pour chuter à 7 % dans la capitale.

Dans quelle mesure s’agit-il d’un phénomène européen ?

L’opposition entre le bloc populaire et le bloc élitaire est très prégnante un peu partout : en Grande-Bretagne, en Italie, en Pologne, en Hongrie… Elle renvoie à la spéculation immobilière, en explosion dans les grandes villes, et beaucoup plus faible ailleurs. Cette concentration des richesses, que certains attribuaient au jacobinisme en France, est avant tout aujourd’hui le produit d’une dynamique propre au marché mondial.

Existe-t-il, malgré tout, des exceptions ?

Marseille, qui est une grande ville tellement étendue qu’elle absorbe sa propre banlieue, reste plus pauvre que les autres. Mais, comme ses consœurs, elle accueille un nombre important d’arrivants souvent venus d’autres centres urbains et de l’étranger. Ces nouvelles populations broient les spécificités locales. Elles sont, selon la classification de David Goodhart, des « anywhere » (Ceux qui sont de partout), en opposition aux « somewhere » (Ceux qui sont de quelque part).

Ces vagues de nouveaux arrivants n’expliquent-elles pas le succès des écologistes aux dernières municipales dans les métropoles, en particulier dans la capitale des Gaules où c’est un néo-lyonnais, David Doucet, qui est devenu maire ?

Je partage cette analyse. Ces nouveaux arrivants, qui appartiennent aux classes moyennes diplômées, ont fait la différence à Marseille comme l’a montré une étude de la Fondation Jean Jaurès. Le vote écologiste a cependant ceci de spécifique qu’il constitue une tentative d’échapper à l’affrontement social bloc contre bloc.

En quoi les électeurs EELV n’appartiennent-ils pas au « bloc élitaire » ?

Dans les arrondissements de l’est parisien par exemple, ils ne s’identifient pas au au discours de la réussite d’Emmanuel Macron et à la bourgeoisie. Certes, ils bénéficient de revenus supérieurs à la moyenne nationale. Mais beaucoup d’entre eux tirent la langue, car ils n’ont pas accès à la propriété et doivent payer des loyers élevés. De ce point de vue, les nouveaux maires écologistes sont le reflet des aspirations et des frustrations de la petite bourgeoisie urbaine.

Ne sont-ils pas aussi davantage attachés au libéralisme culturel qu’au libéralisme économique ?

Bien sûr, on observe chez les écologistes des protestations contre la technologie et les traités internationaux de libre-échange. Mais il y a aussi, chez eux, un individualisme forcené et une opposition à l’Etat-nation qui rendent leur anticapitalisme pittoresque… Leur pente naturelle va plutôt, à mon sens, vers un capitalisme vert, fondé sur la rénovation énergétique des bâtiments par exemple.

La place accordée à la voiture n’est-elle pas devenue le point névralgique de votre théorie des deux blocs, avec, d’un côté, la fronde des gilets jaunes issus de la France périphérique et, de l’autre, les métropoles qui, comme Paris, vouent aux gémonies la circulation automobile ?

Non. Beaucoup de cadres, dans les zones urbaines, possèdent encore deux voitures. Cette opposition territoriale tient, à mon sens, davantage à l’apparition de villes-mondes détachées de leur arrière-pays. Cela a été théorisé par Anne Hidalgo et son collègue le maire de Londres Sadiq Khan juste au lendemain le Brexit. Tous deux plaidaient, pour un retour aux cités-Etats sur le modèle des villes marchandes d’Italie et des Pays-Bas de la fin du Moyen-Age. Cela avait en partie du sens à Paris. En partie seulement, car la capitale serait à la peine sans ses fonctions administratives centrales. En tout cas, cela en dit long sur la représentation que Paris se fait d’elle-même.

N’existe-t-il pas un hiatus entre une scène politique locale encore aux mains des anciens partis LR et, à un degré moindre, le PS et une scène politique nationale dominée par LREM et le RN ?

Au moment même du second tour des municipales de juin où LREM et le RN n’ont pas existé, un sondage accordait 60 % à ces deux partis au premier tour de la présidentielle. Cela montre que le bloc élitaire et le bloc populaire sont bien en place. Mais, c’est vrai, les anciens partis dominent toujours la vie locale. Cela justifie pleinement l’existence du Sénat, qui en est l’émanation.

Est-ce que cela n’invalide pas votre théorie des deux blocs ?

Je ne crois pas que l’on puisse tirer de grandes leçons d’un scrutin municipal pour lequel la participation a été aussi faible. L’offre politique y était totalement illisible, avec des listes qui n’affichaient pas leur couleur politique. Elle était aussi partielle car, du fait de sa faible implantation, le RN n’a pas présenté de candidats partout. A mes yeux, le fait majeur de ces municipales reste l’abstention. C’est préoccupant, car la commune est un pilier de la République, comme l’a écrit Maurice Agulhon dans La République au village.

En quoi le résultat des municipales peut-il, malgré tout, donner le la pour les régionales et les départementales de mars prochain ?

Du fait de la faible identification, chez les électeurs, des nouveaux grands ensembles territoriaux, les régionales constituent un scrutin plus national que local. Le résultat s’annonce différent des départementales où les candidats bénéficient souvent de leur ancrage municipal. Les Français sont d’ailleurs attachés à cet échelon. S’ils n’évoquent jamais, comme Jean Castex et la technocratie parisienne, « les territoires », rarement leur « région », ils se sentent pleinement de leur département. Prototypes des Gilets jaunes, les groupes « Colère » contre le passage de la limitation de vitesse de 90 à 80 km/h se désignaient en fonction du numéro de leur département. Cela a perduré. Les gilets jaunes inscrivaient aussi leur numéro de département sur leur chasuble.

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Les mythologies de la décennie: les «gilets jaunes»

SÉRIE D’ÉTÉ (6/7) par Jérôme Sainte-Marie


En 2018, le gilet jaune est devenu le symbole durable de la colère d’une catégorie de Français qui se sentent délaissés.
 
«Le conducteur doit revêtir un gilet de haute visibilité conforme à la réglementation lorsqu’il est amené à quitter un véhicule immobilisé sur la chaussée ou ses abords à la suite d’un arrêt d’urgence. En circulation, le conducteur doit disposer de ce gilet à portée de main.» L’arrêté ministériel du 29 septembre 2008 instaure une obligation plus qu’elle ne définit son objet. Celui-ci consiste en un vêtement fluorescent, de couleur jaune pour les conducteurs ordinaires, doté de bandes réfléchissantes. Le couturier Karl Lagerfeld en précise très bien les caractéristiques dans la campagne de sensibilisation lancée par la sécurité routière: «C’est jaune, c’est moche, ça ne va avec rien, mais ça peut vous sauver la vie».
Dix ans plus tard, cette horrible chasuble aura fait vaciller le pouvoir national et transformé le regard de la société française sur elle-même. Et durant quelques mois, ce gilet jaune sera moins considéré comme l’acceptation par les conducteurs de l’autorité de l’État que comme un défi directement adressé aux dirigeants de celui-ci.
Le gilet jaune appartient à l’univers visuel de la route, de la rue, donc du véhicule privé ou utilitaire. Au départ, le symbole de la contestation demeure intimement lié à l’objectif de celle-ci: le renoncement par le gouvernement à l’augmentation de la «taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques» – en clair, le mouvement lancé sur les réseaux sociaux réclame une baisse du prix du carburant à la pompe. Ce n’est pas d’ailleurs en novembre 2018 que les premiers gilets jaunes recouverts de slogans de protestation apparaissent dans les rues, mais au début de la même année, après que des groupes formés sur Facebook et intitulés «colère» ont appelé à des manifestations contre le passage de 90 à 80 km/h de la limitation de vitesse sur «les routes à doubles sens sans séparateur central» (le langage du comité interministériel à la sécurité routière est précis…). Ces «groupes colère» ont une caractéristique qui sera partagée par les groupes de gilets jaunes: de manière systématique, il associe à leur dénomination le numéro de leur département. Exactement ce que l’on trouve sur les plaques d’immatriculation des véhicules.
Cependant, qui porte un gilet de haute visibilité, en temps normal ? Les forces de l’ordre, souvent, les camionneurs, les travailleurs des autoroutes et les agents d’entretien des voies de circulation, également. Mais aussi les livreurs, les salariés du BTP, les artisans à leur compte, les manutentionnaires et les caristes: tout un monde d’ouvriers et d’employés exposés dans leur travail au risque physique sans pour autant être spécifiquement liés à la route. Le gilet jaune sera donc l’emblème du travail souvent manuel et généralement mal payé, celui des «CSP-», ou catégories socioprofessionnelles inférieures, dont on oublie si souvent qu’il concerne, en y intégrant l’ensemble des ouvriers et des employés, la moitié de la population active. Un monde de salariés plus ou moins précaires, d’intérimaires, d’autoentrepreneurs et de modestes patrons, aussi éloigné des cadres supérieurs du privé que de la masse des fonctionnaires.
Très rapidement, le gilet jaune dépasse la cause qui l’a suscitée pour se transformer en outil de reconnaissance mutuelle et de contestation contre l’État ; il extrait ceux qui le brandissent sur les ronds-points de leur condition de conducteurs accablés de taxes pour les projeter dans un vaste ensemble de conditions sociales difficiles. Emmanuel Macron, le 13 avril 2020, en plein confinement et devant 36 millions de téléspectateurs, donnera un lointain écho à la manifestation de cette réalité: «Notre pays, aujourd’hui, tient tout entier sur des femmes et des hommes que nos économies reconnaissent et rémunèrent si mal.»
L’invraisemblable succès de la mobilisation du 17 novembre – le ministère de l’Intérieur dénombra plus de 2 000 points de blocage, de filtration ou simplement de présence des «gilets jaunes» autour des péages, des ronds-points ou des zones commerciales – encourage une fétichisation de leur vêtement. Revêtir le gilet jaune, c’est endosser une armure magique. Par une singulière métonymie, celui qui porte le gilet jaune devient un «gilet jaune». Des débats sans fin apparaissent dès les premiers jours pour savoir ce qu’est un «vrai» «gilet jaune». Et l’on se disputera longtemps pour savoir si les «gilets jaunes» sont de droite ou de gauche, et s’ils ont été l’un puis l’autre, ou toujours un peu les deux, ou encore autre chose. Et lorsqu’en septembre 2019, la presse en viendra à évoquer des rassemblements de «gilets jaunes» sans gilet jaune, dans leur souci d’échapper à la vigilance policière, on saura que la page a été tournée.
Les «gilets jaunes» n’ont pas eu d’organisation centralisée et leur système de porte-parole fut un vaste bricolage entre les attentes des médias, la demande d’interlocuteurs des autorités et enfin les désirs contradictoires des personnes mobilisées, partagées entre la volonté d’être entendues et le refus d’être représentées. Dès lors, le gilet jaune a parlé pour les «gilets jaunes». Au sens strict, souvent, car cette chasuble est devenue au fils des samedis le support privilégié de leur expression. Sur ce gilet jaune ont d’abord été inscrits les différents «actes» auxquels celui qui le portait avait participé, comme autant de preuves de sa légitimité à porter cet habit.
Ensuite, on y lisait, notamment dans les rassemblements au centre des grandes villes, le numéro du département d’origine, marquant l’attache provinciale sur le lointain modèle des patriotes montant à la capitale, l’été 1790, pour participer à la fête de la Fédération. Le gilet jaune servait naturellement aussi de support à quelques slogans hostiles aux «puissants» et d’abord au président de la République. La vieille formule de Mai 68, «Les murs ont la parole», se trouvait ainsi détournée, chacun portant désormais son propre slogan avant de s’agréger à la foule des rues ou aux groupes des ronds-points. Le vêtement devient un moderne dazibao, ces pancartes de la Révolution culturelle chinoise. Les inscriptions forment avant tout une parole populaire, assez éloignée des habituels slogans des cortèges syndicaux ou politiques, et une parole individualisée s’agrégeant au discours aussi véhément que fragmenté de la nébuleuse «gilets jaunes».
À partir de la mobilisation du 17 novembre, la première et la plus massive de ce mouvement qui aura été différent en tout de tous les autres, la magie du gilet jaune suscite un mimétisme presque immédiat. D’abord, on s’intéresse à l’habit. Des «gilets verts» apparaissent bientôt, qui prétendent réconcilier préoccupation écologique et justice sociale. Puis viendront les «gilets noirs», qui, au nom de la lutte pour les «sans papiers» – en d’autres termes les immigrés clandestins -, racialisent l’emblème de la lutte sociale. Il y aura même, pour ajouter à la confusion des couleurs et des habits de lutte, les «foulards rouges», mobilisés en janvier 2019 pour soutenir la politique gouvernementale. Tout cela ne marche guère, car à trop fétichiser l’objet, on en vient à oublier la symbolique populaire du gilet jaune. Cela n’a jamais été un «signifiant vide», pour reprendre l’expression de Lacan, car dès l’origine il correspondait à des usages sociaux spécifiques. On pense ici à Alexis de Tocqueville, lorsqu’il évoque dans ses Souvenirs les ouvriers parisiens insurgés de juin 1848: «Ces hommes étaient tous en blouse, ce qui est pour eux comme on sait l’habit de combat aussi bien que l’habit de travail».
De la même manière, le jaune du gilet dit en creux quelque chose de précis. Que des groupes sur internet aient pu proposer d’en faire l’emblème d’une lutte, d’abord surtout antifiscale, marquait avec éloquence leur éloignement de la culture contestatrice traditionnelle: on sait que le «jaune» désigne celui qui se tient à l’écart de la grève, qui continue à travailler, bref, en langage militant, celui qui fait le jeu du patronat contre le collectif ouvrier. Cette couleur est depuis longtemps bannie de l’univers de la contestation sociale. Le gilet jaune se distingue radicalement par là de la chasuble rouge de la CGT, voire du gilet orange de la CFDT. Le choix de cette couleur et son durable succès constituent dès l’origine un désaveu cinglant pour les syndicats de salariés, il est vrai bien peu présents parmi les travailleurs pauvres du secteur privé qui forment le gros des troupes autour des ronds-points.
La couleur du gilet sera l’objet d’un dur combat sémantique. En novembre 2018, tandis que le ministre de l’Intérieur considère que la mobilisation est d’abord celle de «l’ultra droite», son futur successeur, Gérald Darmanin, déclare que «sur les Champs Élysées, c’est la peste brune qui a manifesté». Certains veulent à l’inverse considérer que l’extrême gauche mène le bal, derrière les blacks blocs. Cette dénonciation alternative du rouge ou du brun derrière le jaune des gilets se résout dans une solution simple, chez certains thuriféraires du pouvoir: «les “gilets jaunes”? ce sont des “rouges-bruns”, bien entendu!»
À son apparition sur les routes de France, le «gilet jaune» était un mystère. D’où venaient ces gens, qui étaient-ils, que voulaient-ils, jusqu’où étaient-ils prêts à aller et pourquoi? Très vite, il est devenu un mythe. Chaque force politique ou sociale se dispute aujourd’hui encore la signification de ce vaste ensemble de signes et de mots, que ce soit pour s’en prévaloir ou pour s’en distinguer. Les personnes les plus réticentes à s’y mêler, par exemple celles appartenant à la vaste mouvance de la gauche universitaire, ne sont pas les dernières à prétendre en posséder les codes. La parole qui interprète le gilet jaune a depuis longtemps échappé aux «gilets jaunes». Sur leur chasuble étrangère à tous les univers symboliques de la politique française, chacun brode sa rhétorique intéressée. Cette nouvelle dépossession des classes populaires constitue le moment présent, ni très surprenant ni très réjouissant, du mythe du gilet jaune.

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Politique française : quelles leçons tirer de la crise?

Entretien dans EMILE


Si depuis le vote de l’état d’urgence sanitaire, l’ensemble des forces politiques françaises soutient les décisions exceptionnelles prises par le gouvernement, l’opposition continue de questionner la chronologie de la crise et les mesures à venir. Par ailleurs, les conséquences économiques et l’exacerbation des différences sociales liées au confinement pourraient générer de fortes tensions et clivages idéologiques. Alors, quelles conséquences la crise du coronavirus pourrait-elle avoir sur le paysage politique français ? Jérôme Sainte-Marie, politologue et président de PollingVox, livre son analyse à la rédaction d’Émile.

1/ Le gouvernement a obtenu du Parlement des pouvoirs exceptionnels ce week-end, avec le vote de l’état d’urgence sanitaire. Toutefois les polémiques qui restaient feutrées jusqu’ici commencent à prendre plus d’ampleur. L’union nationale commence-t-elle à s’enrayer ? Comment expliquer cette inflexion ?

Cette question de l’union nationale recèle bien des ambiguïtés. Tout d’abord par sa proximité sémantique avec l’Union sacrée, comme en 1914, rapprochement que suggère fortement l’invocation récurrente à l’état de guerre dans les adresses présidentielles. Qu’Emmanuel Macron ait enfin renoncé dans son allocution télévisée du 13 avril à cette analogie artificielle ne peut qu’être salué. Par ailleurs, même en période de guerre, même durant la Grande guerre et ses 1,4 millions de Français tués, la vie politique avait continué. Ainsi, lorsque Clémenceau accède au pouvoir à la mi-novembre 1917, ceci survient à l’issue d’une crise parlementaire tout à fait classique.

L’essentiel pour aujourd’hui est de constater l’accord de toutes les forces politiques organisées autour des mesures d’urgence sanitaire. A ce stade, aucune d’entre elles ne remet en cause le confinement et les efforts demandés à la population. Cette attitude correspond à un état de l’opinion qu’elle entretient en retour. Pour l’essentiel, les Français ont consenti sans difficulté au confinement, malgré les difficultés parfois dramatiques qu’il entraine pour nombre d’entre eux, ne serait-ce qu’au plan financier. Aussi critiques puissent-ils être à l’égard de l’exécutif, ils ne remettent pas en cause cette décision, sinon parfois pour regretter son retard. Il demeure que les Français s’informent continûment, débattent sur les réseaux sociaux, évaluent la communication gouvernementale et s’interrogent sur le terme de l’épreuve qu’ils traversent. Je ne vois pas comment l’on pourrait souhaiter qu’il en aille autrement.

2/ Comment analysez-vous l’attitude de l’opposition au cours de cette crise ?

En l’espèce, il est possible de généraliser : les forces d’opposition constituées se comportent de manière tout à fait républicaine et responsable. Chacune selon sa sensibilité, elles traduisent et canalisent les questionnements de l’opinion publique, sans mettre en danger la discipline des Français autour des décisions prises par le gouvernement. Il est naturel que certains thuriféraires du pouvoir en place éprouvent quelque agacement à ce sujet, car l’exercice des responsabilités expose le plus à la critique. Il ne l’est pas moins que les oppositions interrogent non seulement sur les mesures qui vont être prises, mais aussi sur la chronologie de cette crise. En faisant cela, elles rendent un grand service à la démocratie, puisqu’ainsi sont régulés les craintes, les soupçons et les interrogations de l’opinion. A l’inverse, le silence des oppositions favoriserait une génération spontanée de bobards et le risque d’un relâchement désordonné de l’effort collectif.

3/ Qu’en est-il de l’appréciation portée par les Français sur Emmanuel Macron ? Pensez-vous que sa popularité sortira renforcée ou dégradée une fois la crise sanitaire surmontée ?

Lorsque le pays a basculé dans l’urgence sanitaire, la cote présidentielle a bondi d’une douzaine de points. Soutenu jusque-là par, disons, un gros tiers des Français, Emmanuel Macron a vu sa cote de popularité s’approcher des 50%, sans généralement franchir cette barre symbolique. La succession des publications a pu donner l’impression d’une progression régulière de l’exécutif dans l’opinion, mais il s’agit d’une illusion d’optique liée à l’existence d’une demi-douzaine de baromètres arrivant successivement à leur échéance mensuelle. On constate donc un sursaut de popularité, mais bien moindre que celui qu’ont connu ses prédécesseurs lors de grandes crises nationales : François Mitterrand durant la Guerre du Golfe ou bien François Hollande après les attentats du 13 novembre 2018 avaient enregistré une montée d’une vingtaine de points. Toute comparaison est cependant fragilisée par l’énormité des sacrifices que l’état d’urgence sanitaire exige des Français. Il reste que la faveur que rencontre l’exécutif lors des moments extraordinaires de notre histoire disparait généralement lorsque la situation redevient ordinaire, précisément.

4/ Selon vous, la crise sans précédent que nous traversons pourrait entraîner des transformations dans le paysage politique français. A quoi peut-on s’attendre ?

J’en suis convaincu dans la mesure où le terme du confinement généralisé ne sera selon toute vraisemblance qu’un moment de la crise apportée par la pandémie. Les dégâts économiques auront des conséquences multiples. Il serait étonnant de ne pas assister à une vague de faillites et de licenciements. Même si l’on peut espérer un regain rapide de l’activité économique, tous ne pourront en bénéficier. De manière connexe, la situation de confinement n’aura pas annulé mais plutôt accentué la perception des différences sociales, qui risquent encore davantage d’être ressenties comme des injustices. En outre, chacun aura relevé, à commencer par le président de la République, que l’utilité sociale était diversement récompensée. Reste enfin l’épineuse question des retombées fiscales du considérable effort budgétaire actuel. Ce genre de débat est rarement porteur d’unité. Je m’attends donc à une crise sociale accrue et qui se déploiera pour l’essentiel sur les lignes de clivage antérieures à la crise. Je m’en tiens donc à mon analyse d’une montée des tensions entre le « bloc élitaire » et un « bloc populaire » qui prend à son tour conscience de lui-même.

5/ La gestion de la crise par le gouvernement suscite de nombreuses critiques et les récriminations venues des milieux médicaux face aux pénuries de matériel et à la courbe exponentielle des victimes de l’épidémie trouvent écho dans l’opinion française. Au-delà de la responsabilité politique, la responsabilité pénale de nos dirigeants peut-elle être engagée ? Le gouvernement actuel doit-il s’inquiéter de l’après crise ?

Ceci va constituer une ombre persistante. Une bonne partie de l’opinion comprendrait mal qu’après que la justice se soit intéressée de très près à François Fillon, Jean-Luc Mélenchon ou Marine Le Pen, elle ne se penche pas sur la gestion de la crise sanitaire par les autorités. Sans vouloir entrer dans des considérations juridiques, je pense que la question que vous posez sera un élément nouveau de notre vie politique.

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La construction du professeur Raoult en héros populaire doit beaucoup à ses adversaires.

Entretien dans FIGAROVOX , par Eugénie Bastié.


Le sondeur Jérôme Sainte-Marie, fondateur de Polling Vox, analyse les ressorts de l’engouement autour du chercheur marseillais. Celui-ci est révélateur de la défiance envers les élites, mais ne s’y réduit pas.

1/ Comment expliquer le vaste engouement pour la figure du professeur Raoult dans l’opinion ? Quels en sont les ressorts ?

L’engouement suscité par cette figure originale est avéré. Un récent sondage place Didier Raoult en deuxième position des personnalités les plus populaires. Rappelons simplement que les professeurs de médecine Olivier Véran et Jérôme Salomon réalisent eux aussi une belle percée dans l’opinion, ce qui souligne la dimension conjoncturelle de ces données. Le premier élément dans la construction de cette image personnelle est donc tout simple, il s’agit de l’espérance qu’il apporte d’un remède efficace à certains stades de la contagion. La faveur qu’il rencontre dans l’opinion va cependant plus loin, car elle se nourrit de références culturelles multiples, des savants solitaires de Jules Vernes au stéréotype dans l’imaginaire contemporain de l’individu rebelle face à une institution obtuse. Il y a même un peu de « contre-culture » américaine dans le style même de Didier Raoult, qui lui vaut parfois d’être rapproché du personnage central du film « le Big Lebowski » des frères Cohen. Il constitue donc un personnage aux multiples facettes, permettant en cette période dramatique différentes projections fantasmatiques, à côté de l’enjeu vital de ses recherches.

2/ On a vu une partie de la galaxie gilets jaunes soutenir le professeur Raoult, ainsi que le Michel Onfray. Sa popularité traduit elle une défiance envers les élites ?

La construction du professeur Raoult en héros populaire doit beaucoup à ses adversaires. Chacun a pu observer, à la télévision ou sur les réseaux sociaux, quelques fameux thuriféraires d’Emmanuel Macron se gausser du médecin marseillais, voire le sommer de se taire. Il se trouve que ces mêmes figures médiatiques s’étaient distinguées à l’hiver 2018 par leur détestation volubile des gilets jaunes. Très rapidement, sur un sujet si différent, les lignes de front dans l’opinion se sont reconstituées, à peu près à la même place. On songe ici une nouvelle fois au sociologue Christopher Lasch écrivant en 1994 sur « la révolte des élites et la trahison de la démocratie ». L’antagonisme qui traverse le pays depuis deux ans s’effectue d’abord sous la pression d’un discours élitaire sans frein ni pudeur. En effet, chacun a pu observer à cette occasion que le professeur de médecine, expert en son domaine, même si ses thèses sont récusées par certains de ses pairs, était mis en cause par des gens n’aillant d’autre légitimité que leur capital médiatique et social.

Il est donc difficile de voir dans cet engouement pour le professeur Raoult l’expression d’une simple défiance envers les élites, puisqu’une partie significative de l’élite médicale approuve sa démarche. Ce qui est ici en cause est la « convergence des élites » de toutes sortes, dont la visibilité nouvelle constitue, au somment du « bloc élitaire », une caractéristique de l’ère macronienne. En l’espèce, cette convergence a été prise à défaut par l’autonomie relative du discours scientifique, d’une part, et par des renforts internationaux inattendus, tels les tweets de Donald Trump.

3/ Cependant, une partie du bloc élitaire soutient aussi Raoult (droite du sud, certains médecins). N’est-il pas imprudent d’en faire trop vite le « porte-parole » des gilets jaunes ? Quid d’un rôle plus politique ? Est-ce prématuré ?

Il faut bien entendu résister à la tentation de faire du professeur Raoult une nouvelle figure du dissident. Pourtant, un récent sondage IFOP montrait la vive corrélation entre le fait de « se sentir gilet jaune » et la croyance en l’efficacité de la chloroquine contre le coronavirus : 80% des personnes exprimant une sensibilité des gilets jaunes la partageait, au lieu de 51% des personnes ne les soutenant pas. Dans la même étude, on constatait que si les plus confiants à l’égard du traitement à base de chloroquine étaient les sympathisants de la France insoumise, ils étaient suivis de prêt dans cette opinion par ceux du Rassemblement national et, plus encore, par ceux des Républicains. Le fait même que les répondants ne disposent pas dans leur immense majorité de la capacité à émettre un jugement éclairé sur le sujet rend ces résultats très intéressants.

Plusieurs cultures politiques se rejoignent ainsi en une même prise de position. Une culture souverainiste, une culture contestataire et aussi, chose plus inattendue, une culture de droite classique, largement réticente à l’égard du phénomène des gilets jaunes. L’émulsion médiatique autour du professeur Raoult a certes réveillé les clivages de cette crise sociale majeure, mais ne s’y réduit pas.

4/ Comment interpréter le geste d’Emmanuel Macron qui est allé rencontrer Raoult à Marseille ? Quel danger pour le pouvoir révèle cette main tendue ?

Cette démarche est d’abord celle d’un président de la République en situation de grande fragilité politique. Ayant abordé la crise sanitaire actuelle avec une cote de popularité de faible niveau – à peu près un tiers des Français -, il a gagné une douzaine de points en moyenne, ce qui n’est pas un bond considérable si on compare à d’autres périodes dramatiques. Confronté à la perspective d’une crise économique majeure, il doit éviter la transformation de la crise sociale que connaît le pays depuis près de deux ans en une crise politique. La rhétorique guerrière complaisamment entretenue ne suffit pas à contenir les critiques, ni dans l’opinion publique, ni dans une partie de l’opposition. Déjà en butte à la colère d’une large partie du personnel soignant, mécontent depuis des mois de la réforme de l’hôpital public, mais aussi à la perplexité rageuse d’une majorité des Français à l’égard de sa gestion de la crise sanitaire, Emmanuel Macron ne peut guère se permettre une polémique entre l’exécutif et une figure médicale majeure, aussi controversée soit-elle. Par sa gravité intrinsèque, par ses effets économiques, mais aussi parce qu’elle exacerbe des tensions sociales qui lui préexistaient, la crise sanitaire déstabilise le pouvoir, et au-delà toute la scène politique française.

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